Historique de l’occupation humaine de Tetiaroa



Tetiaroa est l'unique atoll de l'archipel des Iles sous le vent. Il est situé à 42 km au nord de Tahiti. Son lagon est encerclé par 13 motu, qui représentent environ 6 km² de terre émergées. La figure 1 présente une image satellite de l’atoll.
Durant la période pré-européenne, Tetiaroa fut successivement résidence d'été des chefs traditionnels d’Arue (village devenu depuis commune de Tahiti) et de la famille royale Pomare jusqu'à son abandon par la reine Pomare IV. En 1904, la famille royale offrit Tetiaroa au Dr Johnston Walter Williams (1874-1937), seul dentiste de l'île de Tahiti et consul d'Angleterre de 1916 à 1935.
En 1966, Marlon Brando acquiert la partie terrestre de l'atoll pour 99 ans (le lagon restant propriété du domaine maritime du territoire). Le film « les révoltés du Bounty », et l’achat ultérieur de l’atoll de Tetiaroa par Marlon Brando ont contribué de façon significative à la construction et à la diffusion du « Mythe polynésien » (tel que définit par Sherman, 2005), mythe qui a contribué à la promotion touristique de la Polynésie Française.

Cocotier et conservation des ressources génétiques

Le cocotier a été introduit dans l'océan Pacifique à partir d'Asie du Sud-est il y a plusieurs centaines d'années (Lepofsky et al., 1992). Les polynésiens ont sélectionné des cocotiers adaptés à différents usages, notamment en introduisant successivement ces cocotiers sur de nouvelles îles. Ils ont contribué à la création de nombreuses variétés dont la diversité morphologique est spectaculaire. Le cocotier est devenu partie intégrante de l'art de vivre des polynésiens. La figure 2 donne une image de la variabilité existant au niveau mondial pour les fruits du cocotier.
De 1870 à 1930, à la suite du développement du marché international du coprah, le nombre de cocotiers plantés en Polynésie Française a été multiplié par un facteur très élevé, probablement de l'ordre de 80 à 100 (Guérin, communication personnelle). Sur les sols coralliens, la plantation de la cocoteraie a été réalisée à la fin du siècle et renouvelée en partie à la suite des importants cyclones de 1903 et 1906. Dans les îles hautes, une cocoteraie intérieure de vallée a été plantée après la première guerre mondiale.
Au cours des deux derniers siècles, la population polynésienne a fortement diminué, ce qui a inévitablement provoqué une perte de savoir traditionnel (Juventin, 2003). Les changements socio-économiques brutaux qui ont affecté la Polynésie lors du XXème siècle ont ensuite accentué cette perte de savoir traditionnel. En ce qui concerne le cocotier, les variétés qui avaient été patiemment sélectionnées au cours des millénaires par les polynésiens (Henry, 1928) se sont progressivement diluées dans la masse des cocotiers sélectionnés et utilisés essentiellement pour produire du coprah. Les cyclones successifs, notamment lors des années 1980, ont aussi fortement affecté la cocoteraie (Dupon, 1987).

Historique de la cocoteraie de Tetiaroa.

La cocoteraie de Tetiaroa a été plantée sur décision du Dr Johnston Walter Williams, il y a 80 à 100 ans, dans le but de produire du coprah. A l'époque, la technique de plantation consistait, dans la plupart des cas, à couper toute la végétation naturelle, à la laisser se dessécher puis à tout brûler avant de planter les cocotiers en important les noix de semence d'une plantation réputée, généralement située sur une autre île (Michel Guérin, communication personnelle).
La densité actuelle des cocotiers adultes est très élevée, pouvant atteindre 450 palmiers par hectares, alors que les densités normales de plantation sont de l’ordre de 100 à 200 cocotiers par hectare. La figure jointe compare la densité des cocotiers de Tetiaroa à celle d’une plantation de cocotiers hybrides réalisée selon la norme standard. L'entretien des cocoteraies se faisait, du moins à une certaine période, par brûlis, "nettoyage par le vide" en coupant et en brûlant tout ce qui n'était pas cocotier. Des traces de ce type de brûlis restent visibles sur le tronc de vieux cocotiers au nord-ouest du motu Onetahi. Ces techniques de plantation étaient dommageables pour la biodiversité des espèces endémiques (Dupon, 1987). Il y a probablement eu d’importantes replantations suite à des cyclones.
La récolte des noix de coco et la fabrication de coprah a cessé dans les années 1970. De nombreuses noix de coco tombées à terre ont germés ; d’autres sont mangées par les rats, dont la population s’est accrue. Les noix de coco trouées par les rats puis partiellement emplies d’eau de pluie constituent un milieu favorable à la pullulation des moustiques et des mouches.
Dans la cocoteraie actuelle de Tetiaroa, 20 à 40 % des cocotiers suivent le dispositif de la plantation originelle. Ils sont reconnaissables sur les photos satellites au fait qu’ils sont plantés en ligne droite, généralement orientées Nord-Sud et Est-Ouest. Ces cocotiers de la plantation originelle sont surtout localisés sur les motus Tiraunu, Hiraane et Horoatera. Les nombreux autres cocotiers sont des repousses anarchiques de fruits de cocotier tombés au sol et qui ont germé.
Le nombre total de cocotiers adultes sur Tetiaroa peut être estimé entre 150 000 et 200 000 arbres.

Mission scientifique pour le classement écologique de Tetiaroa










Découverte d’une collection de cocotiers sur Tetiaroa

L’analyse de la diversité des cocotiers sur Tetiaroa s’est limitée à une observation phénotypique des arbres. Cette première investigation n’a malheureusement pas pu être doublée d’une analyse moléculaire, faute de financement des travaux de laboratoire.
La figure 5 illustre la variabilité des fruits des cocotiers sur l’atoll de Tetiaroa ; cette figure peut être comparée à la figure 2 qui décrit cette même variabilité au niveau mondial. Compte tenu que la surface émergée de Tetiaroa ne dépasse pas 6 km2, la variabilité des fruits du cocotier atteint sur cet atoll un niveau extraordinairement élevé. Tant de différentes formes de cocotier peuvent difficilement se trouver réunies sur un espace aussi restreint par le simple jeu du hasard. Nous émettons donc l’hypothèse que quelqu’un a constitué, sur le motu Onetahi, une collection réunissant diverses variétés de cocotier. Cette collection a très probablement été plantée au temps de Marlon Brando. Lui ou sa famille ont du demander à leur amis polynésiens de leur donner des semences du plus grand nombre possible de variété de cocotier. .Si l’existence de cette collection est évidemment intéressante, son intérêt scientifique et pratique reste limité. Le faible nombre d’arbres planté par variété limite la représentativité génétique des variétés ; le fait que toutes les variétés soient plantées à proximité les unes des autres induira des mélanges si l’on tente de les reproduire.
Aucune variété de cocotier nain n’est présente sur l’atoll. A l’exception des motus Onetahi et Rimaturu'u, Tetiaroa est planté de cocotiers grands polynésiens typiques, sélectionnés pour le coprah : fruits de taille moyenne, à épaisseur de bourre moyenne à faible, noix de forme plutôt ronde à légèrement ovale, amande assez épaisse. Toutefois, les conditions de croissance de ces cocotiers sont peu favorables. Les sols ont été appauvris par une longue monoculture, les rats peuvent consommer jusqu’à 70% des noix sur les arbres et au sol (Ribier et al., 2006) Les fruits sont peu nombreux. Ceci rend difficile l’évaluation variétale sur des critères purement morphologiques. Pour être plus précis; il faudrait réaliser des analyses ADN microsatellite par prélèvement foliaire d'une cinquantaine de cocotier sur chaque motu.
Selon Sachet et Fosberg (1983) seuls quelques cocotiers ont été plantés sur le Motu Aie, et ces cocotiers avait été tous abattus au moment de leur visite. Lors de notre passage en 2007, nous avons pu constater la présence d’une vingtaine de cocotiers sur ce motu, peut être issus de repousse spontanée.En ce qui concerne les variétés de cocotier, le motu le plus riche est Onetahi. C'est aussi celui où les conditions de croissance des cocotiers sont les meilleures, donc l'endroit où les différences variétales peuvent le mieux s'exprimer.

Les cocotiers dénommés «Nape », ou « Puru », ou « Rau-‘aha » correspondent à plusieurs anciennes variétés polynésiennes spécialement sélectionnées pour faire des cordes avec les fibres de la bourre (enveloppe du fruit). Quelques cocotiers de ce type ont été retrouvés dans deux zones très restreintes du Motu Onetahi. Là encore, des arbres de la même variété sont plantés à proximité immédiate les uns des autres.
Teihotu a aussi indiqué l’existence, sur le Motu Onetahi, d’un cocotier « médicinal »., mais il ne souvenait plus de sa localisation précise. Il a finalement désigné un cocotier aux noix vertes, dont l’un des fruits est photographié dans la figure 5. Toutefois, nous ne sommes pas entièrement sur qu’il s’agisse bien du cocotier « médicinal ». En effet, nous avons observé au Tonga une variété polynésienne de cocotier « médicinal », qui avait des caractéristiques très spécifiques : fruits ovales et plus petits d’une couleur vert-gris assez sombre et bien reconnaissable, bourre (enveloppe fibreuse du fruit) teintée de rose à l’intérieur lorsque le fruit est encore jeune, et tendance à l’autofécondation. Ceci dit, il n’est pas certain que le cocotier dit « médicinal » en Polynésie Française corresponde exactement au type tongien.

The horned coconut palm (Le cocotier à corne)

En ce qui concerne les variétés de cocotier, le motu le plus riche est Onetahi. C'est aussi celui où les conditions de croissance des cocotiers sont les meilleures, donc l'endroit où les différences variétales s'expriment le mieux. Sur Onetahi, il existe une forme de cocotier extrêmement rare, dénommée le cocotier à corne : la bourre (enveloppe du fruit) présente deux protubérances symétriques évoquant des cornes, comme illustré par les photos jointes.
Quelques rares exemplaires de ces cocotiers ont été signalés au Sri Lanka (Petch, 1924), dans les îles Indiennes d’Andaman (Rajesh et al., 2008) et sur l’atoll de Rangiroa (Millaud, 1954). Il existe un autre cocotier de ce type sur le Motu Tunga de la commune de Anaa. Ces cocotiers sont connus sous les dénominations Tara Puaatoro ou Haari Tara.
Teihotu Brando a signalé que plusieurs cocotiers « à cornes » sont groupés dans la même zone du motu Onetahi, mais que seul l’un d’entre eux fourni des fruits ayant des cornes régulières et bien formées. Très probablement, plusieurs descendants d’un unique cocotier à corne ont été importés et plantés côte à côte ; mais comme les semences importées venaient de fécondations libres entre les cocotiers, beaucoup dérivent du croisement naturel entre un parent femelle « à corne » et des parents mâles normaux. Seuls quelques rares descendants expriment donc le caractère « à corne » du parent femelle.

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